31 déc. 2009

Dans la dynamique du provisoire... vers 2010 !

"Que de fois, lorsque nous sommes réunis pour la prière commune dans l'église, je suis dans l'étonnement. Ces hommes, mes frères, mes compagnons de vie, demeurent fidèles dans l'attente de Dieu. Ils se tiennent devant Dieu sans voir, en quelque sorte, sans savoir quelle sera la réponse à leur attente (...)Il est tellement vrai que nous sommes, durant toute notre vie de chrétiens, dans le temps de l'attente (...) Pour qui n'attend plus, pour qui s'installe au-dedans de lui-même, dans ses privilèges ou dans son bon droit, toute une dimension de foi se rétrécit.
Savoir cela, c'est savoir aussi que nous sommes dans un constant provisoire. Provisoire a la même racine que pourvoir : pourvoir aux mesures nécessaires en attendant un autre état de choses. A Taizé, nous avons la conviction que ce qui constitue l'esprit de famille, ce qui nous particularise, dans notre Règle et notre prière liturgique par exemple, tout cela devra peut-être un jour disparaître. Notre liturgie, moyen puissant pour nous pétrir ensemble dans une unité de foi, notre Règle, sont des instruments qui nous permettent de tenir dans l'espérance de l'unité. A certains égards, ne sont-elles pas des données provisoires, appelées à disparaître au jour de l'unité visible ? Celui qui vit dans le provisoire voit sa marche vers l'unité réactivée, car la menace par excellence serait de nous suffire à nous-mêmes, de refermer la boucle sur un trésor découvert, sur une liturgie par exemple, et d'instituer alors, pour des siècles, des structures qui bien vite seraient facteurs d'isolement.
Ne voit-on pas dans l'histoire des chrétiens tant d'institutions qui, pour tenir à travers les temps, ont perdu le caractère provisoire de leur départ ? L'horizon chrétien de ceux qui leur appartiennent se trouve rétréci. Ils ne peuvent survivre que dans les repliements créés par des barrières protectrices (...)
Il faut le dire, celui-là seul qui a le sens des continuités peut être au bénéfice de la dynamique du provisoire. L'enthousiasme, conçu comme une ferveur, est une force positive, mais qui n'est pas suffisante. C'est une force qui s'épuise et s'évanouit si elle ne communique pas son élan à une autre force, plus souterraine et moins sensible, qui doit nous faire cheminer notre vie durant. Assurer la continuité est indispensable, car les enthousiasmes sont entrecoupés de temps morts, de déserts arides (...) L'un ne va pas sans l'autre : l'enthousiasme dans la perspective du provisoire et la continuité dans la perspective de l'espérance."

Frère Roger, La dynamique du provisoire, Presses de Taizé, pp.149-154
Merci pour votre visite !